Dr Julien Dellinger - Psychiatre à Reims
La thérapie des schémas est un type de psychothérapie élaboré par Jeffrey E. Young, psychologue américain, qui a pour objectif d'apporter une meilleure compréhension de certains de nos automatismes psychiques, appelés schémas, qui sous-tendent nos ruminations, nos émotions négatives et nos comportements impulsifs. Cela permet ensuite de s'en distancier et de s'en libérer, partiellement ou totalement.
La durée moyenne de ce type de prise en charge varie entre une et plusieurs années, en fonction de l'importance (en nombre et en activation) des schémas, de la fréquence des consultations mais aussi et surtout de la présence de comorbidités (dépression, trouble anxieux, addiction etc.).
Les pratiques de pleine conscience sont fréquemment associées à ce type de prise en charge. En effet, tout au long de la thérapie, elles aident à repérer ces automatismes et à s'en distancier, mais également à développer de l'autocompassion, qualité que l'on cherche à majorer car nécessaire au processus de réconciliation avec soi-même.
Un schéma est un ensemble de souvenirs, d’émotions, de pensées, de sensations corporelles concernant soi-même et notre relation au monde. Il s’agit d’une croyance profonde et ancienne, dont le plus souvent nous ne sommes pas conscients. Ainsi, la croyance « Je n’ai aucune valeur » se manifestera, quand elle est activée, par une émotion particulière (par exemple de la tristesse, assortie éventuellement à un ou plusieurs souvenirs), par des signes physiques particuliers (par exemple une boule dans la gorge ou une envie de pleurer) et par un comportement type retrait (par exemple, chercher à s'isoler).
Quand ils sont porteurs de souffrances, ces schémas sont dits « inadaptés ». Le plus souvent, les schémas inadaptés sont précoces ; c'est-à-dire qu'ils se constituent dans l’enfance et/ou l’adolescence, à partir principalement d’un ressenti furtif ou vague, d'une impression, d'une ambiance, d'un climat émotionnel ou bien d'une situation traumatisante. Il est important de noter qu'ils constituent au départ une solution adaptée, permettant à l'enfant de surmonter les problèmes liés à la non-satisfaction d’un ou plusieurs de ses besoins affectifs. Plus tard, à l'âge adulte, la réactivation d'un schéma fait alors revivre une expérience émotionnelle tout à fait similaire à celle vécue dans l’enfance lors de la construction de ce schéma, cela malgré un contexte n'ayant souvent plus rien à voir avec celui d'origine.
Jeffrey Young dénombre pas moins de dix-huit schémas et a élaboré des outils qui permettent, parallèlement à l'entretien, de les mettre en évidence. A titre d'exemple, on trouve le schéma d'imperfection-honte, responsable d'une dévalorisation excessive, d'une hypersensibilité aux critiques et d'un manque de confiance en soi. On trouve également le schéma de manque affectif, avec le sentiment que les autres ne donnent pas suffisamment d'affection, d'écoute, de compréhension, de présence ou de soutien. Autre exemple, le schéma de danger-vulnérabilité, à l'origine d'une peur exagérée d'une catastrophe imminente, à laquelle il serait impossible de faire face. Le schéma d'abnégation, quant à lui, entraine un souci excessif de combler les besoins des autres à son propre détriment, afin d'éviter de se sentir coupable d'égoïsme; la sensibilité à la souffrance des autres est exacerbée, et ce schéma s'accompagne parfois d'un certain ressentiment lié au fait de ne jamais voir comblés ses propres besoins.
Repérer ces schémas et les relier aux souvenirs qui remontent pour la plupart à notre enfance permet de réinterpréter notre vie d'un point de vue adulte et, ainsi, de commencer à ressentir de l'empathie envers l'enfant que nous étions et les réactions adaptatives qu'il a dû développer face à un climat affectif donné. Ces modifications du rapport à soi peuvent déclencher dans un premier temps une phase de remise en question identitaire; en effet nos habitudes émotionnelles nous définissent tellement que la perte de ces habitudes familières peuvent nous déstabiliser. Une fois ce stade dépassé, cette "réharmonisation" des différentes parties de soi amène à un apaisement émotionnel durable ainsi qu'à une amélioration des relations aux autres.